samedi 5 mars 2016

Chronique : L'événement (Annie Ernaux)


Résumé

«Depuis des années, je tourne autour de cet événement de ma vie. Lire dans un roman le récit d'un avortement me plonge dans un saisissement sans images ni pensées, comme si les mots se changeaient instantanément en sensation violente. De la même façon entendre par hasard La javanaiseJ'ai la mémoire qui flanche, n'importe quelle chanson qui m'a accompagnée durant cette période, me bouleverse.»
Mon avis


Annie Ernaux fait partie de ces auteures qu'on m'a conseillées mille fois, et dont le nom revient très souvent à mes oreilles - notamment dans les milieux féministes. Ayant enfin décidé de me lancer, j'ai jeté mon dévolu sur L'événement, et ce n'était pas un hasard puisque j'en ai toujours entendu beaucoup de bien et que le thème me parlait : l'avortement.

Plus précisément, l'avortement avant qu'il ne devienne légal. L'auteure, plus de trente ans après les faits, couche enfin sur papier ce qui lui est arrivé et qui la hante depuis. On a donc affaire à un récit autobiographique, court et percutant, que personnellement j'ai lu en une journée sans pouvoir lever les yeux !

Étudiante, elle se retrouve complètement démunie face à cette grossesse non désirée : le géniteur habite loin et semble peu se préoccuper de l'affaire, impossible d'en parler à ses parents, et elle risque la prison pour pouvoir avorter. 

C'est alors un parcours de la combattante qui se présente, terriblement long, fait de bouche à oreille et d'adresses illégales qu'on se refile sous le manteau. On vit cette lenteur avec elle, page après page, on suffoque presque - même en sachant par avance qu'elle parvient à ses fins !

Ce témoignage est précieux, comme tous ceux des personnes de cette époque. Il permet de réaliser à quel point l'avortement est un droit fragile, pour lequel il a fallu (et il faut encore) se battre. Pour échapper aux sondes, à l'eau de Javel et aux aiguilles à tricoter. Pour avoir le choix de sa (non-)fécondité et ne plus en mourir.

Un récit à mettre entre tous les mains, pour continuer la bataille.

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