mercredi 23 octobre 2013

Chronique : Libérez le féminisme ! (Morgane Merteuil)


Résumé

Le féminisme s'est embourgeoisé. Les groupes comme Les chiennes de garde, Ni putes ni Soumises ou Osez le féminisme monopolisent désormais la parole avec des idées bien arrêtées sur ce que doit être une « femme libre ». Elles sont pour la répartition scrupuleuse des tâches ménagères, contre les inégalités socioprofessionnelles, le patriarcat, la violence sexiste ou sexuelle, le voile et la prostitution. Au nom du respect de la dignité de la femme et sous la pression des ces lobbies, le nouveau ministère des Droits des femmes a ainsi affirmé son ambition de voir la prostitution disparaître. Accablée par ce discours bien-pensant et stigmatisant, Morgane Merteuil fustige ces ambassadrices de la liberté, à qui elle reproche d' « emprisonner » le féminisme en imposant aux femmes leur propre conception de la « dignité ». Oui elle aime parfois son métier, oui elle l'a choisi, oui elle se sent libre et impose ses règles à ses clients. Dans la lignée de Virginie Despentes, cet essai percutant est un véritable manifeste pour un autre féminisme, assurément plus libre.

Mon avis

Je vais vous avouer quelque chose : au tout début de mon féminisme, il y a quelques années, j'étais fan d'Osez le féminisme, des Chiennes de garde et toutes ces associations bien connues aujourd'hui. Leurs positions sur la prostitution et le voile me semblaient tout à fait légitimes et défendables. Cependant, après quelques années sur Twitter et Tumblr, il est évident que mon avis a largement évolué - je le pense, pour le meilleur.

Sans vouloir faire un cours d'inclusivité 101, la première règle à mes yeux serait de donner la parole aux premiers-ères concerné-e-s. Cela vaut donc aussi pour la prostitution, et c'est ce que cet ouvrage amène ici : l'argumentation d'une femme qui se définit elle-même en tant que pute, qui a choisi ce métier et qui le défend à travers ses activités au STRASS (le syndicat des travailleurs-ses du sexe, ce qui inclut aussi les gens du porno, les assistant-e-s sexuel-les, etc.). 

Dès le début, je suis surprise par certains propos, notamment sur les affiches des Infidèles (qui sont "soutenues") ou encore la critique de la campagne "Mademoiselle, la case en trop !". C'est ce que j'aime dans le féminisme : être toujours remise en question, ébranlée dans mes convictions. C'est comme cela qu'on évolue et qu'on apprend à prendre en compte les autres, leurs spécificités et leurs manières d'appréhender le monde. Même si je n'ai pas été d'accord avec tout, le militantisme nécessite d'entendre les avis divergents - dans certaines limites, bien sûr.

J'ai dévoré ce livre : petit, bien écrit et accessible (contrairement à certains qui sont illisibles sans un doctorat de sociologie), il est indispensable car il se propose de s'opposer à tous-tes les abolitionnistes qui rêvent de prohiber la prostitution. Malheureusement, leurs voix sont le plus souvent beaucoup plus fortes et entendues, et il faut absolument rétablir l'équilibre.

Oui, la prostitution peut être un choix pour gagner sa vie, s'épanouir et, même, se donner du pouvoir par sa sexualité. Parfois le féminisme peut sembler vouloir donner la possibilité aux femmes de "devenir des hommes" : faire de la politique, avoir des postes à hautes responsabilités dans les entreprises, etc. Mais les femmes doivent aussi pouvoir choisir de faire leur chemin dans des champs "typiquement féminins" ou "choquant". C'est aussi une manière de s'affirmer.
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